entete-portail_300_b

Serious game en SVT ou en techno : le ludique au service des sciences

L’utilisation des jeux sérieux se démocratise dans les collèges et les lycées de France – en particulier dans deux matières : la technologie et les sciences de la vie et de la terre (SVT).

Quelle que soit la discipline, l’objectif des professeurs utilisant des serious games, jeux à visée pédagogique, est le même : permettre aux élèves d’apprendre de manière ludique.

Florian Daniel, chargé de mission au Canopé de l’Académie de Créteil, était il y a encore quelques années professeur de technologie, au collège Dorval, à Orly. Aujourd’hui, il constitue une liste de jeux sérieux pour le ministère de l’Education Nationale, mais il conserve bien à l’esprit sa propre expérience.

Avec sa classe de 4ème, tout d’abord, il a utilisé RobotProg, un logiciel éducatif gratuit, développé par Corinne Queme, professeur de physique appliquée. Ce jeu permet l’apprentissage des concepts élémentaires de la programmation et de la robotique. “Vous programmez un robot virtuel en déplaçant des briques sur l’écran. Petit à petit, d’une façon ludique et simple, au gré des niveaux de difficulté, vous faites marcher, dessiner ou compter votre robot”, explique-t-il.

Puis, pour sa classe de 5ème, le professeur de techno découvre Pontifex (ex-Bridge Builder), un jeu sérieux conçu par des développeurs californiens. “L’idée, c’est de construire un pont, avec différentes structures, afin qu’un train passe dessus, et que la construction résiste”, décrit Florian Daniel. Les niveaux de structures (poids, dénivelé, point d’ancrage, longueur de travée) se complexifient au fur et à mesure du jeu. Le joueur dispose, en outre, d’un budget maximal, à ne pas dépasser.

 

“Ces deux jeux sont ludiques, ce qui stimule l’apprentissage des enfants : à chaque partie, le jeu évolue, les élèves tentent des choses, échouent, retentent… Ainsi, ils apprennent en s’amusant”, constate l’ancien enseignant. “C’est une ressource interactive, qui permet au joueur d’essayer plusieurs fois de suite pour réussir”, ajoute-t-il.

« Le message passe par le jeu »

Professeur de SVT au collège Georges Sand, à Revin, dans les Ardennes, Grégoire Pagnier expérimente les jeux sérieux, avec sa classe de 4ème, depuis la rentrée 2014. Dans le programme, une partie concerne les séismes, et comment limiter les risques en cas de catastrophes naturelles.

Tout en préparant ses cours, il a découvert Stop Disasters (halte aux catastrophes), un jeu gratuit conçu par l’ONU et l’ISDR, qui disposait pour cela d’un budget de 60 000 dollars et de l’aide d’un développeur de jeux vidéo. “Il s’agit d’organismes reconnus mondialement, c’est donc une vraie garantie de sérieux”, affirme le professeur.

Stop Disasters est un jeu “humanitaire éducatif”, qui simule des catastrophes naturelles et invite le joueur à mettre en place les infrastructures stratégiques nécessaires pour limiter les dégâts. “Il y a une carte, avec des maisons, des habitants, et un temps limité pendant lequel le joueur doit essayer de réduire les dégâts du séisme annoncé, en construisant ou en détruisant des bâtiments, en créant des systèmes d’alertes…”, explique Grégoire Pagnier.

Avec sa classe, l’enseignant a constitué des groupes de deux. Chaque groupe joue à Stop Disasters pendant 20 minutes. Le professeur explique le jeu aux élèves avant le début de la partie. A la fin, “il y a une phase de débriefing”, indique-t-il.

De façon ludique, « les adolescents expérimentent, et finissent par se rendre compte qu’informer la population ou construire des bâtiments respectant les normes parasismiques peut avoir un impact en cas de catastrophe : le message passe ainsi, par le jeu », ajoute Grégoire Pagnier.

Pour chaque action effectuée, ses élèves remplissent une fiche : “à la fin, nous comparons entre nous les chiffres des différents groupes, ce qui me permet d’aborder, dans un contexte différent, certains points du programme”.

Le jeu, « pas une fin en soi »

Autrefois, Grégoire Pagnier utilisait des documents papier. Une façon d’apprendre “beaucoup moins ludique”. Stop Disasters ressemble un peu à Sim City, un jeu vidéo de gestion dont le but est de créer et modifier des villes. “Les élèves sont plus motivés, parce que le format est nouveau, mais aussi parce qu’ils jouent. Ainsi, ils ne se rendent pas forcément compte qu’ils travaillent, ou de ce qu’ils sont en train d’apprendre… Mais une fois que nous comparons les différentes parties, ils se rendent alors compte de la portée de leurs actions”, sourit le professeur.

 

Pour éviter que les élèves ne perçoivent que le jeu, et rien d’autre, “il faut impérativement que l’enseignant soit là pour encadrer sa classe”, constate Florian Daniel, qui veillait toujours à “mettre en perspective” les parties jouées. “Le jeu sérieux est une ressource différente, avec un côté ludique, mais il n’est pas une fin en soi. Il peut être utilisé pour s’entraîner, comme un dispositif d’évaluation, pour introduire un cours ou pour le compléter… mais pas pour le remplacer, en faisant une session de jeux pendant toute l’heure de cours”, ajoute-t-il.

Même son de cloche chez Grégoire Pagnier : “certains collègues utilisent les jeux pour appliquer ce qu’ils viennent d’apprendre, d’autres comme moi préfèrent travailler en aval… mais le principal reste de ne pas tout faire tourner autour du jeu, et d’expliquer ce qui a été vu”.

Le professeur de SVT limite l’utilisation des jeux sérieux à quelques sessions. “Les jeux sérieux motivent davantage les élèves que les formats classiques parce qu’il s’agit d’un outil ludique, mais aussi nouveau ! Stop Disasters serait beaucoup moins attrayant au bout de 20 parties”, note-t-il.

Un outil différent, pour des compétences différentes

Les serious games, Grégoire Pagnier les perçoit avant tout comme “un outil de plus permettant d’intéresser les jeunes, surtout ceux qui ne sont pas forcément à l’aise pour rechercher des informations dans des documents classiques”.

Ainsi, certains élèves “en difficulté” se révèlent meilleurs face à un jeu sérieux, que certains “bons élèves” : “le jeu fait appel à d’autres compétences, ce qui permet de mettre en valeur d’autres qualités chez ces jeunes”, indique l’enseignant.

Autre avantage du jeu : “étant donné qu’il est gratuit et en ligne, les élèves peuvent très bien jouer chez eux, comparer leurs scores en dehors du cours, et comprendre certaines choses intuitivement”, poursuit-il.

Grégoire Pagnier relève néanmoins quelques “inexactitudes” dans Stop Disasters, “comme le fait que le séisme survient rapidement au cours du jeu, alors que dans la réalité, c’est quelque chose que l’on ne peut pas prévoir.” Mais, ajoute-t-il, “cela permet justement d’en discuter avec les élèves, de pointer les choses qui ne sont parfois pas tout à fait réalistes, et de continuer à apprendre des choses.”

Le professeur, convaincu par le potentiel des jeux sérieux, prévoit de reconduire l’expérience l’année prochaine, avec pourquoi pas une autre séquence, consacrée aux inondations – le jeu Stop Disasters abordant également cette catastrophe naturelle.

Source : http://www.vousnousils.fr/2015/01/13/serious-game-en-svt-ou-en-techno-le-ludique-au-service-des-sciences-560080